Prévention des accidents de plain pied chez les Gaziers, gare à la chute !
Article paru dans la revue Sécurité Reflex ERDF de mars 2011
Considérées à tort comme bénignes, les chutes de plain pied représentent plus de 20% des accidents du travail et jusqu’à 50% dans certaines branches. Prévention, formation, sensibilisation : ces accidents sont pourtant loin d’être une fatalité. Pistes antichute…
Chercheur à l’Institut National de Recherche et de Sécurité (INRS), Sylvie Leclercq enquête depuis des années sur ce type d’accidents, longtemps mis à tort sur le compte de la fatalité, au même titre que les accidents de la vie. « Prévenir ce risque d’accidents, c’est d’abord lutter contre nombre d’idées reçues les concernant, faire évoluer le regard. Conséquences de perturbations du mouvement, ils sont pour la plupart le résultat d’une conjonction de facteurs. D’où la nécessité d’une analyse approfondie au cas par cas : quand, où et dans quelle situation de travail surviennent-ils ? Certains métiers sont-ils plus touchés ? Autant d’éléments qui peuvent guider la prévention. Car si le bon sens est nécessaire pour réduire les risques, il ne suffit pas. » Faux pas, perte d’équilibre, trébuchement : toutes les professions sont concernées, tant l’équilibre ne tient qu’à un fil, et pas seulement sur les surfaces glissantes. Un enjeu majeur de sécurité, d’autant que ces accidents, survenant souvent lors de déplacements, sont lourds de conséquences : entorses, fractures, lumbagos, troubles musculaires, paralysies, et parfois même décès. Face a ce constat une Agence de Maintenance Réseau Gaz bretonne a pris une initiative originale nommée KAPAPP :
Petit matin frais sur le site de Rennes. Dans l’atelier, une dizaine de salariés motivés procèdent à des étirements et à des échauffements à visée de réveil corporel articulaire et de stimulation des organes de l’équilibration et de gain d’élasticité, de souplesse articulaire sous la direction de Richard Ruau, kinésithérapeute de l’association Kiné Ouest Prévention. C’est l’une des cinq séances de sensibilisation au risque plain pied prévue dans le Plan Action Prévention (PAP) de l’année. Parmi les participants, Sébastien, opérateur de maintenance victime d’un accident de plain pied. « Lors du changement d’un compteur de gaz très lourd (90 kilos) chez un client, j’ai utilisé un transpalette. Mon pied a glissé sur l’herbe humide. Résultat : une torsion du genou, un arrêt de travail d’une semaine et des lésions au cartilage irréversibles. »
Des accidents encore trop fréquents. « En 2009, nous avons déploré trois chutes de plain pied, soit 100% de nos accidents, explique Didier Wairy, le chef d’agence. Nous cherchions comment pallier ce risque.» Le responsable prévention, a alors proposé cette action KAPAPP (Kiné Action pour la Prévention des Accidents de Plain Pied).
Objectif : éradiquer les accidents de plain pied à travers une formation ciblée. «Après un bilan individuel (1/2 h par salarié), il s’agit, au cours de cinq séances pratiques d’une heure, de proposer des exercices : rodages articulaires, séquences issues du stretching sportif, ou encore inspirées de la pratique Qi-gong en lenteur pour le contrôle, en associant la conscience du souffle destinés en particulier à renforcer et assouplir la partie inférieure du corps, exposée dans nos métiers, pour prévenir les chutes, résume-t-il. Une phase d’appropriation (2h) permet enfin au salarié d’évaluer ses besoins en l’occurrence la prise en compte d’un genou « froissé », en fin de convalescence d’un accident de travail ou la fragilité cervicale d’un autre salarié suite à un traumatisme ancien et de choisir les mouvements correspondants. » visant pour le premier à re-tester prudemment ses appuis, puis à mesure des sensations, à partir d’une sollicitation initiale plus douce guidée par la non-douleur, accompagner vers un renforcement des mouvements, tout en faisant passer également le conseil de pratiques hors travail en restaurant une collaboration avec le thérapeute de ville, pour le second , l’attention particulière à la mobilisation complète de la zone et des zones adjacentes pour réinstaurer un dialogue physique, goûter la réassurance et maintenir la souplesse et la gestuelle de prise d’informations visuelles la plus libre possible.
Des mouvements préparatoires que l’opérateur reproduit avant de se mettre au travail, comme Pascal et Maxime s’apprêtant à descendre dans une fouille à Châteaubourg. «Soudeurs, nous nous trouvons souvent dans des positions inconfortables, insiste Maxime. Mieux vaut préparer notre structure musculaire et nos articulations, à l’image des sportifs. Nous étions demandeurs de ce type de formation. Chacun peut y trouver les gestes qui lui conviennent, opérateurs de terrain mais aussi salariés sédentaires. » Jugés à tort bénins, ces accidents ont souvent pour origine un encombrement des voies de circulation, un sol glissant ou dégradé, les conditions climatiques, des défauts d’éclairage ou encore un manque de concentration, lié à une double tâche ou à l’urgence. Habitué à « réparer » les corps après accident, Richard Ruau, le kinésithérapeute intervenant, estime autrement plus efficace de travailler en amont. « Au travers de ces démarches, il s’agit de réactiver la conscience de nos ressources et de notre vulnérabilité physiques, et de proposer un mode d’emploi du corps. Car si on a l’outil, encore faut-il savoir s’en servir. »